Des étudiants aisés ont décidé de piéger une jeune fille pauvre en l’invitant dans un restaurant huppé pour s’amuser… Mais ce qui s’est passé pendant le dîner a complètement changé…

Dans les rues, c’était déjà septembre — le dernier souffle de l’été, et dans les écoles et les universités, une nouvelle année scolaire venait de commencer. Les étudiants reprenaient progressivement leur rythme habituel : certains réintégraient le dortoir, d’autres se précipitaient vers leur premier cours après de longues vacances. Mais tous n’étaient pas obligés de s’entasser dans de petites chambres ou de dormir dans des lits superposés. Certains avaient eu la chance de naître et de vivre dans la capitale, comme Vadim et Maxime.

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Ils s’étaient rencontrés dès la première année, s’étaient rapidement entendus et, depuis, étaient presque inséparables. Le dortoir ne leur servait à rien : ils habitaient chacun chez leurs parents. Vadim avait même sa propre voiture — pas neuve, certes, mais suffisamment fiable et, surtout, personnelle. Cela le distinguait immédiatement parmi les étudiants contraints d’affronter la foule du métro ou le froid du vieux tramway pour se rendre en cours. Posséder une voiture signifiait un statut. Et pour eux, cela comptait énormément.

 

Plus tard, Roma et Stas se joignirent au groupe. Ils n’étaient pas originaires de la ville, mais n’avaient pas non plus de problèmes d’argent. Leurs familles louaient des appartements individuels, si bien qu’ils ne pouvaient juger la vie en dortoir que par ouï-dire. Stas possédait lui aussi une voiture — une Chevrolet argentée, modeste, mais dans l’environnement étudiant, un véritable trophée. Les abonnements de transport ne leur servaient à rien : ils circulaient exclusivement en voiture.

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Ainsi naquit leur « quatuor doré » — surnommé dans leur dos « l’élite bourgeoise ». Ils affichaient clairement qu’ils appartenaient à un autre monde : derniers gadgets, vêtements de marque, logement privé et regard condescendant. Ils se considéraient fièrement « à part ».

Leur niveau scolaire était moyen — de simples notes de trois et quatre, sans réel enthousiasme. Des rumeurs circulaient selon lesquelles on les « aidait » parfois à valider certains examens, notamment ceux qu’ils passaient en dernier. Mais rien ne pouvait être prouvé — tout se faisait avec subtilité et précaution.

L’amitié qui les unissait relevait davantage d’un pacte d’intérêt : ensemble, ils maintenaient plus facilement leur statut, intimidaient et dominaient. Individuellement, on aurait pu leur résister ; à quatre, ils formaient une meute capable d’effrayer n’importe qui. Les professeurs ne pouvaient rien faire d’autre que soupirer. Quant aux camarades de promotion, ils savaient parfaitement : la connaissance des quatre était superficielle, et leurs notes, pas toujours méritées. Cela suscitait non pas le respect, mais l’irritation.

Leur comportement dépassait souvent les limites : blagues grossières à l’encontre des filles, moqueries sur l’apparence, les vêtements ou le parler… Victimes privilégiées : ceux logeant en dortoir ou incapables d’acheter des habits de marque. Pour eux, ces étudiants n’existaient tout simplement pas — pas d’argent égal pas de statut.

Parfois, ils lançaient des phrases qui faisaient cruellement honte à entendre :
— Tu veux un petit boulot ? On a… des propositions spéciales.

En première année, ils s’étaient forgé la réputation de ceux qu’il valait mieux éviter. Avec le temps, ils se faisaient un peu plus discrets — sans doute avaient-ils compris que trop d’attention était dangereuse. Mais personne n’avait envie de se lier d’amitié avec eux. Au contraire, on essayait de ne pas les saluer, de ne pas les remarquer, de ne pas croiser leur regard.

Quand les quatre avançaient dans le couloir, la foule s’écartait d’elle-même. Les garçons y voyaient un compliment : « Ils ont peur, donc ils nous respectent. » En réalité, chacun voulait simplement éviter de se sentir souillé par un contact accidentel. Mais pour eux, c’était anecdotique : ils n’avaient pas besoin d’amis, leur cercle leur suffisait. Le reste n’était que décor, qu’ils pouvaient ignorer à loisir.

Ils avaient décrété que l’université n’était pas un champ de bataille : ennuyeux, mais sûr.

Jusqu’au jour où Roma franchit la ligne.

Sa cible fut Katia — une fille qu’on ne pouvait ni atteindre ni oublier. Grande, élancée, avec la posture d’une aristocrate, elle était toujours impeccable dans sa tenue classique et sobre : chemisier blanc, jupe noire, aucun accessoire superflu. Pas de bagues, pas de boucles d’oreilles — seulement une fine montre en cuir.

Elle ne portait aucun maquillage. Sa beauté était naturelle, comme façonnée par la nature. De longs cheveux châtain tressés, une peau claire presque porcelaine, de grands yeux noisette et un regard doux et assuré la rendaient non seulement belle, mais raffinée.

Beaucoup de filles l’enviaient, et les garçons essayaient de la séduire. Elle répondait toujours par un sourire :
— Moi, je mise sur les connaissances, pas sur le physique.

Elle excellait véritablement à l’école. Pas étonnant : sa famille était de pédagogues — un père historien et une mère enseignante. Elle se dévoilait peu, mais les rumeurs allaient bon train.

Maxime, Stas et Vadim ne comprenaient pas :
— D’où sortent ces parents qui paient des cours particuliers ? Ils ont dû tout dépenser pour la caser quelque part.
— Et son prénom si… banal : Katia ! Comme la voisine de la grand-mère !, railla Roma.

Un jour, pendant la grande pause, alors que les étudiants flânaient dans le couloir ou faisaient la queue au café, Roma décida de tenter sa chance. Fier de son charme et de ses plaisanteries un peu rudes, il s’avança vers elle, un sourire suffisant aux lèvres :
— Eh, rat de bibliothèque, si tu te lasses de lire, j’ai de quoi t’amuser. Un genre de proposition… prometteuse.

Il cligna de l’œil, guettant un rire ou au moins un embarras. Mais Katia ne bougea même pas les sourcils.
— Propose ça à ceux qui ont l’intellect au-dessous de la ceinture, lâcha-t-elle calmement.

Roma balbutia un instant, puis répliqua, arrogant :
— Tant pis, alors. Dans notre ferme, des comme toi, on en aurait besoin. Avec ta langue acérée, tu ferais parler les poules.

Katia croisa les bras, plissa les yeux et répondit avec fermeté :
— Si j’ai eu assez de jugeote pour être admise ici, je ne suis pas assez idiote pour bosser dans une boîte où figure l’un de vous quatre.

Elle prononça « votre boîte » d’un ton qui signifiait : « bande de ratés » ou même « fond de panier social ». Chaque mot fut un coup précis, sans fioritures.

— Alors tu refuses une carrière dans une ferme prospère ?
— Si tu y mets les pieds, répondit-elle calmement, c’est la faillite assurée. Tes bulletins valent une thèse entière sur le déclin économique.

Chaque parole visait sa cible. Roma se sentit de plus en plus idiot. Il voulait la ridiculiser, mais devint lui-même l’objet des moqueries. Et le public était là. Nombreux.

Une foule d’étudiants s’attroupa, ne voulant pas manquer un mot. Visages enjoués, regards complices — tout se transformait en légende.

En un instant, l’histoire fit le tour de l’université comme un incendie en forêt. D’abord racontée à ceux qui l’avaient manquée, enrichie de détails parfois fantaisistes, puis transformée en rumeurs qui complétaient à merveille le tableau.

Pour Roma, ce fut une tragédie personnelle. Il aurait voulu tout effacer, mais savait qu’à vouloir trop dissimuler, on attire l’attention. Il ne lui restait qu’à attendre : que l’intérêt s’émousse, qu’un nouveau scandale éclate.

Las, leur quatuor se retrouvait toujours au cœur des rumeurs. À chaque occasion, on revenait sur ce fameux épisode et sur la farouche Katia.

Pour elle, cet affront devint un bouclier. Après ce jour, personne ne tenta plus de la taquiner, de lui proposer un « job spécial » ou de remettre en cause sa place parmi les étudiants. Les plus audacieux préféraient l’éviter. Elle, de son côté, put continuer à étudier en paix et à avancer vers son objectif.

Mais pour le « quatuor doré », l’histoire ne pouvait pas s’arrêter là.

Des mois s’écoulèrent, mais la rancune persistait. Surtout pour Roma, même si les trois autres nourrissaient aussi leur ressentiment. Ils voulaient riposter. Pas seulement se venger : humilier vraiment Katia, qu’elle se souvienne d’eux longtemps. Qu’elle disparaisse de l’université à tout jamais.

Le seul problème était l’absence de plan. Ni rusé ni même moyen. Leur esprit n’était pas fait pour les intrigues subtiles. Ils savaient qu’ils ne pourraient pas prendre cette fille d’assaut. Elle avait déjà démontré sa capacité à retourner leurs attaques contre eux. Il fallait un coup réfléchi, cruel et impitoyable. Un coup dont elle ne pourrait se relever.

Un vendredi soir, toute la bande se retrouva en boîte. Vadim et Maxime se mêlaient à la foule dansante, puis Roma et Stas les rejoignirent. Danses, alcool, flirt — rien d’inhabituel. Lorsqu’il fit trop chaud à l’intérieur, ils sortirent fumer.

— Ton anniversaire approche, remarqua Stas en expirant sa fumée. Vingt ans, c’est pas rien.
— Oui, dans un mois, acquiesça Vadim. Je réfléchis à la fête.
— J’ai une idée, lança Stas, sourire énigmatique. Je vous la raconte demain. Vous allez aimer.

Le lendemain, les quatre se réunirent chez Vadim. Émergeant d’une nuit agitée, ils s’éveillèrent tard, mais Stas apporta un DVD et insista pour le regarder.

— C’est ton idée ? regimba Roma. Un film ?
— Laisse-moi parler, répondit Stas. Les détails sont importants.

 

L’écran s’anima : une comédie américaine où des étudiants riches organisent une soirée privée. Plus l’intrigue avançait, plus on comprenait qu’il ne s’agissait pas que de divertissement : c’était un exemple, un modèle, peut-être même un guide.

D’abord amusés, ils finirent par y voir un plan. Et si on reproduisait ça ? Mais en infligeant une véritable douleur.

Stas, le ton devenu sérieux, expliqua :
— Imaginez une petite revanche mémorable. Pour ton anniversaire, Vadim : restaurant chic, serveurs gantés de blanc, cristal, fleurs… Et à table, Katia, sous prétexte d’une réconciliation. Qu’elle croie qu’on a changé, qu’on l’accepte enfin.

— Sérieux ? demanda Roma. Qu’elle soit assise avec nous ?
— Pas seulement, répliqua Stas. Qu’elle ressente l’impression d’appartenir à ce monde. Vêtue comme d’habitude — style « institutrice » — au milieu de la dorure, des tenues de créateurs et des caméras.

— Ça marche, reconnut Maxime. Rien qu’ainsi, c’est déjà humiliant.
— Exactement ! s’enthousiasma Stas. Et on filme tout : direct, groupe sur les réseaux, invitations envoyées. Tout le monde regardera.

— Faire d’elle la risée de l’université ?
— Non, le centre de l’attention, corrigea Stas. J’ai des opérateurs, un drone, un montage pro. On capturera son choc, sa gêne, son humiliation, comme au ralenti.

— Trop cinématographique, avoua Maxime. Mais comment la faire venir ?
— Voici le théâtre : on feint les regrets, la sincérité, l’amitié. Elle est trop droite pour refuser.

— Mais elle t’a rembarré publiquement ! rappela Vadim.
— Alors c’est toi qui dois commencer, approuva Stas. Toi d’abord, puis moi, puis Maxime : trois déclarations touchantes. Le tout orchestré pour ne pas provoquer de refus.

C’est ainsi qu’ils mijotèrent leur drame : hypocrisie, pitié, espoir — aux services de la perfidie. Ils peaufinèrent chaque détail, chaque mot, sans laisser de place à l’échec.

Lundi, le jeu commença. Roma s’avança vers Katia après le cours, hésita un instant puis dit :
— Écoute… Katia… je veux vraiment m’excuser. On s’est conduits comme des crétins. Moi le premier. Pardonne-moi si tu peux.

Katia, déconcertée, ne s’attendait pas à cela.
Stas enchaîna :
— Moi aussi, j’ai eu tort. Je pensais que tu étais bizarre, mais c’était nous. J’espère que tu nous pardonneras. On veut tout arranger.

Puis Maxime fit de même, sans railleries ni moqueries. Ils paraissaient presque touchants, sincères.

La veille de l’anniversaire, Vadim invita Katia en personne :
— Viens à ma fête, sérieusement. Ça me ferait plaisir.

Katia hésita :
— Je ne sais pas… Ça me met mal à l’aise…

Roma et Stas intervinrent :
— Allez, c’est important ! Tu ne peux pas refuser.

Elle céda :
— D’accord… j’essaierai de venir.

Le lendemain, Vadim lui transmit l’adresse du restaurant :
— On t’attend ce soir.

Elle accepta de nouveau. Ils proposèrent de la prendre en voiture, mais elle refusa poliment :
— Non, je m’y rends seule sans problème.

Les quatre se réjouirent : tout se passait comme prévu. Ils pensaient avoir conçu un plan infaillible pour humilier Katia et offrir un spectacle à tous. Ils s’entraînaient à leurs réparties les plus acérées, imaginant son arrivée en chapeau de grand-mère ou avec un sac usé hérité du passé.

Le soir venu, Vadim, l’hôte, arriva en premier avec les amis. Ils admirèrent le décor : tables élégamment dressées, lumière tamisée, ambiance intime. Le restaurant avait été privatisé pour l’occasion, réservé depuis des mois grâce aux relations de ses parents. Les caméras étaient déjà en place, prêtes à filmer chaque réaction.

Le quatuor attendait à l’entrée, l’impatience visible sur leurs visages. Tous attendaient de voir comment « la pauvre » se présenterait : en bus, à pied, ou en taxi improvisé ?

Soudain, le freinage d’une voiture retentit. Un cortège de sécurité s’arrêta, suivi d’un Cadillac flambant neuf. Les garçons furent stupéfaits. Qui osait arriver en grand seigneur ce soir ?

La portière s’ouvrit et apparut Katia, élégante, le regard fier, vêtue d’une robe en velours sombre soulignant sa silhouette. Ses cheveux étaient coiffés avec soin, son maquillage impeccable. À son bras, un jeune homme confiant et stylé.

— Salut Vadim ! dit-elle en souriant. Je suis là, comme promis. Félicitations !

Puis elle présenta son compagnon :
— Voici mon petit ami, Alexeï. J’espère que tout est en ordre. Si besoin, il peut tout arranger : c’est son restaurant.

Le monde sembla s’arrêter. Alexeï n’était pas un simple invité : il était le propriétaire des lieux — et bien plus encore. Son empire dépassait la restauration.

Stas, incrédule, murmura :
— Attends… Katia… Comment as-tu rencontré ce garçon ? Tu n’es pas issue d’une famille fortunée…

Katia répondit avec dignité :
— Qui a dit que je venais de la pauvreté ? Ma mère est directrice d’un des meilleurs lycées de la ville, mon père en est le recteur. Alexeï étudiait chez mon père quand il débutait.

— Mais si ta famille est si aisée, s’étonna Maxime, pourquoi as-tu choisi cette université ?
— Pour qu’on me juge pour moi-même, répondit Katia. J’ai voulu recommencer à zéro, avec un autre nom, dans une ville nouvelle. Alexeï prévoyait de déménager ici lui aussi. Tout s’est naturellement mis en place.

Alexeï passa son bras autour de sa taille, heureux. Quant aux quatre amis, ils restèrent figés, hébétés.

Les caméras tournaient toujours. Les spectateurs, ébahis, regardaient en direct : étudiants, professeurs, personnel, tous partageaient le lien.

Katia et Alexeï formaient un couple de couverture de magazine : beaux, sûrs d’eux, rayonnants. Les « golden boys » se trouvaient à leur tour humiliés, impuissants devant le spectacle.

Quand le couple entra dans la salle, Roma et Vadim se précipitèrent pour ouvrir la porte, oubliant tout. Ils prirent soudain conscience que tout était filmé, et le monde entier assistait à leur déconfiture.

Maxime se précipita vers les cameramen :
— Coupez tout ! ordonna-t-il.

Mais ceux-ci haussèrent les épaules : la diffusion devait aller jusqu’au bout, aucune pause n’était prévue.

Les garçons gesticulaient devant les caméras, tentaient des plaisanteries : les spectateurs ne cessaient de rire. C’était le show étudiant de l’année.

Dès lundi, l’université entra dans une nouvelle ère. Si auparavant on les évitait, maintenant on les attendait. Chacun voulait les voir, les railler, citer leurs maladresses.

À leur arrivée à la fac, ils furent accueillis par des applaudissements, des sifflets et des moqueries :
— Regardez, les stars de YouTube sont de retour ! On aura droit à un épisode 2 ?

Les visages se teintèrent de rouge. Ils tentèrent de glisser incognito dans l’amphithéâtre, mais chaque pas était salué par une plaisanterie, une récitation de leurs phrases filmées.

Maxime, après avoir visionné la vidéo une dernière fois, lança son téléphone sur le bureau :
— Après ça, on restera célèbres toute notre vie.

Et il avait raison. Leur gloire disparut à jamais. À présent, personne ne les prenait au sérieux.

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