— Pouvez-vous répéter la raison du divorce ? demanda le juge.
— C’est tout écrit là ! répondit André d’un ton mécontent. — Je ne veux plus rien avoir à faire avec cette femme ! Divorçons, et c’est tout !
— Oui, oui, divorcions enfin ! soutint l’épouse, Valentina. — Je ne peux plus le voir !
— Voici ce qui est écrit… — Le juge n’a pas pu retenir un sourire.
— Ça a été la goutte d’eau ! s’écria André. — Vous ne savez pas combien j’ai souffert pendant ce mariage !
— C’est moi qui ai souffert ! s’exclama Valentina. — Il pourrait au moins dire merci de ne pas l’avoir mis en prison !
— C’est toi qui devais me mettre en prison ! cria André. — Aucune imagination, et toi, avec un rouleau à pâtisserie !
— Que devais-je faire quand tu t’es précipité sur moi avec une poêle ? Attendre que tu me fasses frire ?
Le juge dut intervenir pour remettre de l’ordre.
— N’est-ce pas un peu tôt pour divorcer ? demanda le juge. — Il me semble que vous ne vous êtes pas encore assez disputés.
— Désolé, dit André. — C’est nerveux !
— Bien sûr ! Tu es un névrosé ! Ta propre femme et pourquoi ? s’écria Valentina.
— Vous êtes sérieuse ? — Le juge leva le dossier. — C’est une vraie raison de divorce ?
— C’est écrit là, dit André en baissant les yeux.
Le juge se coucha la main sur la bouche pour ne pas éclater de rire.
— Et que pouvez-vous dire sur le fond ? demanda le juge en se retenant à grand peine.
— Divorçons, et c’est tout ! dit André.
— Une minute, dit le juge en sortant deux documents supplémentaires du dossier. — Voici deux jugements de travaux forcés pour quatre mois pour hooliganisme.
Cela a-t-il un rapport avec la raison du divorce ?
— Un lien direct, dit André et se tut.
— Vous avez déjà travaillé un mois ? demanda le juge pour clarification.
— Oui ! s’écria Valentina. — On nous affecte aux travaux ensemble, et je ne peux plus le supporter ! Trois mois de plus à côté de lui, je ne tiendrai pas !
— Je voudrais entendre les témoignages de votre agent de quartier sur ces jugements, dit le juge.
Le capitaine Pétrov entra dans la salle avec un large sourire.
— Expliquez au tribunal les circonstances de ces jugements pour ces citoyens !
Le capitaine Pétrov essaya de garder un air sérieux, mais son sourire ne voulait pas partir :
— L’appel est arrivé à minuit et demi, commença-t-il son récit, — la voisine a signalé qu’il y avait un scandale domestique avec des blessures…
— Valya ! Qu’est-ce que tu fais ? hurla André, entrant dans la cuisine.
— Pourquoi tu cries ? s’étonna Valya. — J’ai juste décidé de manger des concombres avant de dormir. C’est diététique ! Tu dis toujours que j’ai grossi !
— Mais ça, c’est… André désigna d’une main tremblante le bocal dans les mains de sa femme.
— Oui, ceux de maman ! Les fameux ! Marinés !
— Valya, rends-les ! demanda André. — Je rêve d’eux depuis quatre jours !
— Quelle nouvelle, ils sont dans le réfrigérateur depuis quatre jours – personne n’en veut ! Et dès que je les prends, tu en as besoin !
— Valya ! Dimanche, on les a ramenés de chez ma mère, et elle nous les fait manger à outrance ! Lundi, on a mangé des pâtisseries. Mardi, des salades. Mercredi, j’étais épuisé au travail. Et aujourd’hui, c’est jeudi ! Valya, rends-moi ce bocal !
— Oh, vraiment ! Valya cacha le bocal avec son corps. — À peine un peu, et maintenant c’est à toi ?
André scrutait le bocal de 500 ml dans les bras de sa femme.
— Valyusha, je t’aime tellement ! dit-il, les lèvres salivant. — Donne-le moi gentiment !
— Les filles doivent céder ! dit Valentina d’un air très sérieux.
— Quand étais-tu une fille ? dit André, observant le bocal. — À l’époque du tsar ?
— Eh bien ! Va où tu étais ! cria Valentina. — Le premier à arriver, prend le bocal !
— Et je viens chercher des concombres ! dit André. — Rends-moi le bocal !
— Si tu me demandes gentiment, je vais te donner un seul concombre ! dit Valentina en souriant. — Un tout petit !
— Valya, sois pas égoïste ! cria André.
— Oh, tu oses me crier dessus ? Eh bien, je ne te donne rien ! — Et Valentina ouvrit le bocal avec un bruit sec.
— Valya, rends-moi ce bocal ! cria André. — Je n’ai vécu que pour l’idée de rentrer chez moi et manger mes délicieux concombres de ma belle-mère ! Et toi !
— Quoi, moi tout de suite ? Peut-être que moi aussi je ne pensais qu’à eux !
La dispute ne se limitait plus à des voix élevées, mais devenait un vrai combat avec des cris et des hurlements.
— André, je t’avais dit de prendre plus ! Ta mère t’a laissé entrer dans le cellier ! Pourquoi tu t’es traîné ?
— Eh bien, je sortais les tomates et prenais du chou ! Du compote ! J’ai failli me casser les jambes sur l’escalier ! Tu n’as pas voulu grimper ! Et ce bocal, je l’ai eu ! Donne-le-moi !
— Je ne te le donnerai pas ! Il est à moi ! Si tu veux, va chez ma mère ! Elle ne dort pas encore ! Et tu pourras t’empiffrer de ces concombres ! — Valya jeta le couvercle du bocal sur son mari. — C’est à moi !
— Valya ! rugit André. — Rends les concombres ! Ça va mal finir !
— Ahhh ! — cria Valentina, car André avait pris une poêle sur la cuisinière.
— Le bocal ! Rends-le ! — cria André.
— Alors prends-le ! — Et Valentina sortit un rouleau à pâtisserie de l’armoire. — Ah ! Tu ne t’attendais pas à ça ! Voilà comment ça va se passer maintenant !
André, frappant la table avec la poêle, espérait effrayer sa femme. Mais elle, effrayée, frappa André dans le corps.
Il se plia en deux, se cognant la tête de Valentina au visage.
Mais Valentina, loin de rester figée, continua à défendre son opinion.
André tomba, poussa Valentina si fort qu’elle s’écrasa sur la table.
Les jambes de Valentina cédèrent et elle se retrouva à côté de lui sur le sol.
Et c’est alors que la police fit irruption et fit sauter la porte !
— Je vais te… tuer ! promit André, allongé parmi les débris du bocal tant désiré.
— Je vais te dé…truire ! cracha Valentina entre ses dents, voyant les courageux policiers écraser les concombres.
— Levez-les et emmenez-les au poste, dit l’agent de police. — Appelez un médecin pour examiner les blessures.
— Comprenez-vous qu’avec un certificat médical, vous risquez trois ans chacun ? demanda l’enquêteur, en regardant les fauteurs de troubles arrêtés.
— Monsieur l’enquêteur, il s’agit d’un malentendu, dit doucement André.
— Nous nous sommes réconciliés pendant notre séjour en cellule, soutint Valentina.
— Eh bien, vous vous êtes réconciliés, mais ici, c’est écrit, dit l’enquêteur en montrant les documents. — Fracture du nez, — il tourna la tête vers Valentina. — Deux côtes cassées, — il pointa André. — Et des hématomes multiples.
— C’est un pur accident, s’écria André, en grimaçant de douleur.
— Très intéressant ! — L’enquêteur croisa les bras. — Pouvez-vous m’expliquer cela ?
— Eh bien, j’ai cassé le nez de Valya quand elle m’a frappé dans le ventre avec le rouleau. Enfin, elle m’a frappé, je me suis plié. J’ai fait un mouvement rapide. Et ma tête a frappé son nez !
— Oui, oui, acquiesça Valentina. — C’est ce qui s’est passé. Il ne m’a pas frappée volontairement ! Il ne faut pas le punir !
— Et les côtes ?’
— Eh bien, Valya a trébuché sur moi et est tombée sur la table, et il n’a pas pu supporter son poids… Bref, Valya est tombée sur moi avec la table !
— Et vous vous êtes battus à cause de… — la question semblait attendre une réponse, qui arriva immédiatement.
— Des concombres ! — répondirent les époux en chœur.
— Sérieusement ? — L’enquêteur se gratta la tête. — Trois ans de prison à cause de simples concombres ?
— Ils sont délicieux, et elle voulait les manger en cachette ! grogna André.
— Et si tu n’étais pas aussi égoïste, répondit Valentina, je t’en aurais donné !
— Peut-on nous éviter la prison, monsieur l’enquêteur ? demanda André. — Ni moi ni Valya. Nous avons un fils mineur. Il est chez ma mère, pour l’instant.
— Il mange des concombres ! dit Valentina avec envie.
L’enquêteur pleurait de rire.
— Bon, j’ai les papiers, mais je vais écrire que vous avez juste fait les fous. Des travaux d’intérêt général seront votre punition !
Et le tribunal, en fonction des blessures corporelles, a ordonné quatre mois de travaux d’intérêt général.
Mais même là, les choses ne se sont pas bien passées. Valentina était comptable, André était ingénieur, et ils ont été envoyés à balayer les rues et ramasser des papiers. Bien sûr, cela a suscité une grande insatisfaction.
De plus, ils ont été mis dans la même équipe en tant que couple. Et pendant ce temps, ils se sont disputés sans cesse. C’est ce qui les a finalement amenés à demander le divorce.
Dans la salle d’audience, seuls André et Valentina ne riaient pas. Pour eux, ce n’était pas drôle. Mais les rires des autres les agacèrent.
— Je ne vois rien de drôle ici ! cria Valentina. — Divorçons plus vite !
— Oui ! cria André.
De la salle, quelqu’un cria :
— Où veux-tu divorcer ? Qui va te donner des concombres ?
Un nouvel éclat de rire secoua la salle, et le juge ne prêta pas attention à la réponse d’André, ce dernier luttant contre le manque de respect envers le tribunal.
Ce n’est qu’après une pause que le juge put rendre sa décision :
— Le tribunal estime que la raison du divorce est insignifiante, car elle découle d’une seule et unique divergence.
Ainsi, le tribunal donne aux époux trois mois pour réfléchir à leur décision. Dans trois mois, si vous ne changez pas d’avis, le mariage sera dissous. La décision du tribunal est-elle claire ?
— Trois mois ? s’écria Valentina en se tenant le cœur. — Trois mois à nettoyer les rues avec lui ? Ensemble ?
— Je fais appel ! s’écria André. — Divorçons tout de suite ! Si nous nous réconcilions, nous nous remarierons plus tard !
— Vous admettez déjà la possibilité de réconciliation, sourit le juge en frappant du marteau.
— L’audience est levée, quittez la salle ! dit l’huissier.
Lorsque Anna Stepanovna racontait cette histoire, et qu’elle devenait une anecdote populaire, elle disait toujours, après que tout le monde ait ri :
— J’ai fait tout ce que je pouvais.
Se battre pour un bocal de concombres, c’est certainement drôle. Mais les trois mois que je leur ai donnés finiront soit par les séparer définitivement, soit les unir pour toujours !
Trois mois plus tard, André et Valentina ne sont pas venus pour divorcer. Mais maintenant, ils roulent de gros bocaux de concombres et en ont toujours à la maison en réserve stratégique. Eh bien, pour qu’il y ait paix et tranquillité dans la maison.